Laïcité au Canada - Histoire
Le Canada ne connaît pas de laïcité constitutionnalisée, mais la jurisprudence a fortement établi les principes de séparation de l’État et des Églises et celui de la neutralité comme des éléments nécessaires au respect de l’égalité de tous les citoyens. Dans un pays qui a fait du multiculturalisme sa politique officielle, quelle conception de la laïcité se dégage d’une telle perspective politique et d’une telle orientation juridique? Comment l’État s’est-il graduellement affranchi des Églises? Ce sont là quelques aspects que nous traiterons, après avoir esquissé l’émergence historique des principes de laïcité au Canada. (…)
(…) Le juridique sape-t-il le politique ?
L’énoncé des principes qui définissent le caractère laïque du politique est donc demeuré strictement interne au champ juridique, consolidé par l’effet cumulé de la jurisprudence. Un tel régime se trouve-t-il à se substituer à la responsabilité du politique à propos d’enjeux moraux fondamentaux pour le consensus social nécessaire au vivre- ensemble ? Autrement dit, les juges remplacent-ils l’autorité politique sur la clarification des principes d’aménagement laïques, évitant au gouvernement le débat social sur des enjeux délicats ? Manifestement, le pouvoir politique ne se trouve pas entamé. D’abord, les juges interprètent les lois et la constitution qui ont été adoptées par le Parlement. Ensuite, d’autres causes illustrent bien que l’État peut clairement prendre position sur les questions qui concernent les principes laïques. À titre illustratif, on peut évoquer la question de la redéfinition juridique du mariage pour qu’elle inclue l’union de conjoints de même sexe et aussi, la demande d’un imam (2003) d’instaurer un Institut islamique de justice civile (IIJC) pour régler des litiges matrimoniaux. (…)
Québec - Ministère de l'éducation, du loisir et du sport
Laïcité et religions. Perspective pour l’école québécoise – Rapport du groupe de travail sur la place de la religion à l’école
Ce qui compte
Que le projet de loi anti-religieux du Québec soit ou non raciste ou islamophobe est sans importance. Ce qui compte, c’est son illibéralisme
Leonid Sirota Posted on Categories : Law and Religion, Political philosophy – Tags : Charte de la honte, laïcité, liberté, Québec
Dans le débat autour du Projet de loi 21, la législation mise de l’avant pour faire de la laïcité la doctrine religieuse officielle du Québec et pour imposer une tenue vestimentaire fondée sur ce dogme aux enseignants, juristes et policiers de la province, on consacre beaucoup d’attention à la question de savoir si ce projet est un reflet du racisme, de l’islamophobie ou d’une autre forme de discrimination. Ceux qui critiquent le projet de loi le disent souvent. Ceux qui le défendent, et même certaines personnes qui ne le font pas, s’en déclarent offusqués et insistent pour dire que la forme agressive de laïcité que le Québec cherche à imposer découle d’une vision politique fondée sur des principes. Or, il me semble que tout cela est sans importance. Que le Projet de loi 21 soit le produit de la discrimination ou de principes fondamentaux importe peu. Il est tout aussi abominable dans un cas comme dans l’autre.
(…) Pourquoi ont-il néanmoins tort? Tout simplement, parce que cette forme de laïcité requiert de grossières violations de la liberté individuelle. Elle veut dire que l’État peut imposer aux individus une façon particulière de pratiquer ou de ne pas pratiquer leur foi ― leur dire, donc, s’ils pourront ou non vivre selon leurs valeurs fondamentales. M. Rioux soutient que le Projet de loi 21 ne fait rien de tel, puisqu’il n’affecterait pas le droit de vivre sa foi, mais seulement le « droit de l’afficher pendant les heures de travail » ― comme si on pouvait avoir une foi à temps partiel. (…)
Au Canada multiculturaliste, le Québec devient une nation laïque
L’Assemblée nationale de la province francophone du Canada a voté le projet de loi 21 ce dimanche 16 juin, à l’issue d’un débat âpre et passionnel. Les fonctionnaires en position d’autorité ne pourront plus arborer de signes religieux au Québec.
Par Hadrien Mathoux – Publié le
(…) L’adoption de la laïcité au Québec est l’aboutissement d’un long débat, qui a mis au jour l’âpreté des clivages dans la Belle province. Cette loi est une promesse de campagne de François Legault, le Premier ministre québécois membre de la Coalition avenir Québec (CAQ, centre-droit en faveur de l’autonomie du Québec). Elle est soutenue, d’après les divers sondages, par une très large majorité de la population de la province. Mais les opposants à la laïcité formaient une coalition hétéroclite et très déterminée, composée de militants de la gauche radicale convertis au multiculturalisme, d’intégristes religieux, et surtout, en ce qui concerne l’Assemblée nationale, de membres du Parti libéral du Québec (PLQ), défenseurs du multiculturalisme prôné par Justin Trudeau. La confrontation était d’autant plus passionnée qu’elle mettait également en avant l’enjeu de la place du Québec, province à l’identité forte influencée par la France, dans un Canada anglo-saxon dont Justin Trudeau a clamé qu’il était “le premier Etat postnational”, un pays “sans identité profonde, sans tradition majoritaire”. Dans cette optique, l’adoption de la laïcité est vécue par beaucoup comme une réaffirmation de la spécificité québécoise. (…)
Canada : la laïcité à la québécoise critiquée par les autres provinces
Adoptée en juin, la loi 21 sur la laïcité de l’Etat est jugée « liberticide », voire « raciste », notamment dans les provinces anglophones. De quoi tendre les relations avec la Belle Province
Par Hélène Jouan (Montréal, correspondance) – Publié le 16 décembre 2019
C’est une « publicité » pleine page que le gouvernement du Manitoba s’est offerte dans tous les médias numériques et imprimés du Québec pour la bagatelle de 20 000 dollars. En ouvrant leur journal le 28 novembre, les lecteurs québécois découvrent « 21 raisons de se sentir chez soi au Manitoba ». Illustrée par une jeune femme voilée et un homme portant la kippa, la publicité invite les fonctionnaires à venir construire leur carrière 2 000 kilomètres à l’ouest, dans la province de Winnipeg. Y sont vantés l’importance de la communauté francophone, les loyers abordables, les ours polaires, l’équipe de football américain des Blue Bombers ou encore la multiplicité des bières artisanales. Mais la boisson au houblon n’est pas l’argument d’attractivité principal. « Les fonctionnaires du Manitoba sont accueillis à bras ouverts quelles que soient leur religion ou leur culture. Au Manitoba, la diversité est respectée et valorisée » (…)
En juillet, le crucifix suspendu dans le « Salon bleu » (surnom de la salle de l’Assemblée nationale du Québec) depuis 1936 est symboliquement décroché.
Adoptée en juin par le gouvernement de François Legault (Coalition avenir Québec, centre droit), elle est le premier texte à expliciter que le Québec est « un Etat laïque ». La loi introduit surtout une première au Canada : interdiction est faite aux procureurs, policiers, enseignants, directeurs d’école et autres fonctionnaires d’arborer tout signe religieux dans l’exercice de leur métier. Une clause « grand-père » permet néanmoins aux agents de service public déjà en poste de conserver leur droit acquis et d’arborer donc voile, kippa ou turban sikh. En juillet, le crucifix suspendu dans le « Salon bleu » (surnom de la salle de l’Assemblée nationale du Québec) depuis 1936 est symboliquement décroché… mais cela ne suffit pas à désamorcer les critiques des opposants, qui ne voient dans cette loi qu’une nouvelle discrimination envers les musulmans. (…)
Laïcité et intégration au Québec
Élisabeth Garant
La société québécoise connaît depuis plus d’une vingtaine d’années plusieurs débats importants concernant ses modèles de laïcité et d’intégration des immigrants. Entre le modèle du multiculturalisme, dominant au Canada anglais, et un certain républicanisme à la française, que voudraient imiter certains acteurs politiques, le Québec tente de se doter d’un cadre conceptuel de laïcité et des politiques d’intégration qui tiennent compte de son parcours historique particulier et de sa dynamique sociale actuelle.
Par exemple, dans le système scolaire, la déconfessionnalisation a fait place à une laïcité ouverte au fait religieux en introduisant un cours obligatoire d’éthique et de culture religieuse à tous les niveaux du primaire et du secondaire. La mise en place d’une politique québécoise d’immigration et d’intégration a aussi fait émerger le modèle de l’interculturalisme , qui tente de réconcilier une volonté d’accueil et de reconnaissance de la diversité croissante au sein de la population, avec le besoin de préciser les contours d’une culture publique commune à partager.
Le droit canadien et québécois a aussi développé une disposition originale dite d’accommodement raisonnable visant à reconnaître que certaines mesures peuvent causer des discriminations auxquelles il est possible de remédier en accordant une dérogation individuelle. C’est à travers une réflexion sur cet « outil juridique » spécifique au contexte canadien et québécois – ainsi que sur ses limites – que nous aborderons ici les particularités d’une laïcité québécoise inclusive.