Les faits qui sont à l'origine de l'affaire du chevalier de La Barre
Le matin du 9 août 1765, deux actes de profanation sont découverts à Abbeville : des entailles à l’arme blanche sur le crucifix du pont d’Abbeville, et un dépôt d’immondices sur une représentation du Christ dans un cimetière d’Abbeville.
Le procureur du roi à la sénéchaussée, Hecquet, alerté par la rumeur publique, se rend sur les lieux et dresse un procès-verbal. Des monitoires sont prononcés dans les églises. Une plainte pour impiété est déposée et une enquête diligentée.
L’évêque d’Amiens, Mr Louis-François-Gabriel d’Orléans de La Motte, préside une cérémonie expiatoire dans laquelle il prononce des paroles désignant les coupables – alors non identifiés – comme s’étant « rendus dignes des derniers supplices en ce monde et des peines éternelles de l’autre ». Toutefois, dans la même cérémonie, il demande à Dieu de leur pardonner ; il interviendra d’ailleurs plus tard auprès du roi dans l’espoir d’obtenir la grâce de La Barre.
Arrestation
Les soupçons se portent rapidement sur quelques membres de la jeunesse aisée de la ville. Ceux-ci ont défrayé la chronique par leur vie tumultueuse et leurs provocations : le chevalier de La Barre (20 ans), Moisnel, pupille du lieutenant de l’Élection, né en 1749 (ayant alors 15 ans) et Gaillard d’Etallonde, fils du deuxième président de la Cour des Aides, né en 1750 (ayant alors 15 ans). Ces jeunes gens s’étaient fait remarquer auparavant en chantant des chansons se moquant de la religion catholique ; ils se seraient même vantés d’être passés devant la procession du Saint-Sacrement sans se découvrir. D’autres fils de bonne famille avaient participé à ces agissements, parmi eux se trouvait le fils de Pierre-Nicolas Duval de Soicourt, maire d’Abbeville.
Les notables abbevillois mettent leurs fils à l’abri, Gaillard d’Etallonde se réfugie en Prusse. La Barre sans grand appui familial et Moisnel restent à Abbeville.
L’enquête policière et judiciaire est dirigée par M. Duval de Soicour, lieutenant de police et maire d’Abbeville. Une quarantaine de personnes sont entendues. Leurs déclarations sont très vagues et sont souvent des ragots, le plus souvent elles concernent d’autres faits que ceux qui motivent l’enquête. On dénonce en particulier l’attitude irrespectueuse des jeunes gens pendant le passage d’une procession. Aucun témoin ne dit avoir vu faire la mutilation du crucifix. Or selon le système judiciaire de l’époque les témoignages ont valeur de preuve.
La Barre est arrêté le 1er octobre 1765 de même que Moisnel. Ils sont détenus au secret à la prison d’Abbeville. Moisnel reconnait les faits et compromet Saveuse de Belleval (fils du lieutenant de l’Élection) et Douville de Maillefeu (fils de l’ancien maire qui était un adversaire politique du maire Duval de Soicour). Ces derniers prennent la fuite (par la suite ils seront arrêtés). La Barre par contre nie les faits qui lui étaient reprochés. Mais on trouve chez lui un exemplaire du Dictionnaire philosophique œuvre de Voltaire et trois livres licencieux ce qui renforce les soupçons d’impiété.
l est certain, que la condamnation du chevalier de La Barre s’appuyait sur une interprétation illégale des textes judiciaires. Elle montrait la volonté des juges d’Abbeville et du Parlement de Paris de faire un exemple. Pour eux il fallait lutter contre l’influence, qu’ils jugeaient nuisible, des philosophes.
Le chevalier de La Barre fut réhabilité par la Convention le 15 novembre 1793 (25 brumaire an II).
Abbeville, 1765. Le chevalier de La Barre est accusé d’avoir profané une statue du Christ. Victime d’un règlement de comptes, condamné sans preuves et au mépris de la loi, le jeune homme est torturé, décapité et brûlé avec, entre les mains, un livre interdit, le Dictionnaire philosophique d’un certain Voltaire… Directement mis en cause dans cette affaire, Voltaire s’insurge et utilise sa meilleure arme pour dénoncer l’injustice : sa plume.
extrait – film entier
Promotion de la laïcité
- Association pour la promotion de la laïcité
- Comité Laïcité République
- Démocratie et Laïcité : le blasphème du Chevalier de la Barre
Bien des médias en France remette à l’honneur cette triste histoire pour illustrer les actes de violence comme Charlie Hebdo, le Bataclan ou Samuel Paty.
L'affaire du chevalier de la Barre a d'ailleurs trouvé un triste écho dans l'actualité récemment, avec l'assassinat de Samuel Paty, enseignant tué après un cours sur la liberté d'expression en octobre 2020. La présidente de la ligue des droits de l'Homme d'Abbeville avait établi ce parallèle dans son discours d'hommage.
France 3