Lors de la séance du Grand Conseil du 17 septembre dernier au sujet de la Loi sur l’instruction publique (LIP), un amendement à l’article 11 ( respect des convictions politiques et religieuses) a été proposé. Le voici: L’enseignement dispensé apporte les connaissances et les outils nécessaires à la construction de ce respect réciproque.
Malgré différentes interventions dont celle du député J.-M. Bugnion (Verts) parlant du Califat de Cordoue, cet amendement n’a pas été retenu. (55 non et 31 oui).
Dommage pour les convictions !
Intervention de M. le député Jean-Michel Bugnion (Verts)
lors de la session du Grand Conseil de Genève
le jeudi 17 septembre 2015 (21h.43) (Verbatim)
Le califat de Cordoue, entre le 9e et le 13e siècle, a rayonné sur toute l’Europe d’un point de vue intellectuel, culturel et spirituel. La caractéristique, c’est qu’il autorisait l’enseignement dans les trois grandes religions monothéistes: l’islam, le judaïsme et le christianisme. Évidemment, vous me direz que ça n’a pas empêché les Croisades.
Néanmoins, c’est un exemple quand même probant qu’il peut y avoir une cohabitation religieuse enrichie pour autant qu’il y ait partage de connaissances.
Nous sommes plusieurs siècles après et que voyez-vous sur les réseaux – entre autres- ou ailleurs ? Une floraison de préjugés. Tous se basent sur une méconnaissance profonde. Voilà pourquoi il semble évident, si l’on veut combattre les préjugés, si l’on veut armer les élèves, de leur donner des connaissances et de outils d’analyse qui leur permettent de ne pas être les victimes toutes faites de la première bêtise basée sur l’ignorance qu’ils entendraient et c’est pourquoi il nous apparaît important que dans la loi sur l’enseignement (LIP) on mette expressément ce fait-là : il faut des connaissances pour ne pas tomber dans la bêtise et en être victime.
Donc je salue le PLR qui veut reprendre la chose à travers la loi sur la laïcité mais je pose la question : D’accord pour la loi sur la laïcité mais pourquoi pas aussi dans la LIP ? Si vous êtes convaincus de l’importance que des connaissances et des outils d’analyse peuvent avoir pour vaincre les préjugés, je ne vois pas pourquoi vous refusez de faire figurer ça dans un texte de loi, sachant qu’il sera repris par la suite de manière plus grande dans un autre.
Je vous remercie.
Intervention de Jean-Michel Bugnion au Grand Conseil
Question écrite urgente Enseignement du fait religieux, quelle est la position du Conseil d’Etat actuel ?
En février 2005, le rapport du Conseil d’Etat d’alors sur l’enseignement du fait religieux disait :
« Au vu des éléments qui précèdent, le Conseil d’Etat estime essentiel que l’enseignement du fait religieux soit mieux pris en compte dans les écoles publiques genevoises et charge le département de l’instruction publique :
- de prendre toute les mesures utiles qui encourageront les enseignant-e-s à traiter du fait religieux dans leurs classes dans le respect de la laïcité à l’école ;
- de poursuivre et de renforcer les offres de formation initiale et continue des enseignants et de développer des lieux d’échanges afin d’acquérir de meilleurs outils, méthodes et connaissances pour assurer leurs compétences ;
- d’établir une cohérence de l’enseignement du fait religieux au niveau des plans d’études, de l’enseignement primaire à l’enseignement secondaire post obligatoire ;
- d’élargir le contexte dans lequel l’étude du fait religieux peut être assuré en permettant aux élèves des trois ordres d’enseignement de traiter d’éléments de philosophie et des questions des valeurs et du lien social ; »
- Et pour terminer, le Conseil d’Etat préconisait : « – de poursuivre le débat sur les enjeux relatifs à l’enseignement du fait religieux avec des représentants de la société civile. »
Onze ans plus tard, en plein processus d’élaboration de la loi sur la laïcité, PL 11764, il convient de connaître la position du Conseil d’Etat actuel sur l’enseignement du fait religieux, juste effleuré dans la LIP. Je saurai donc gré au Conseil d’Etat de bien vouloir présenter en détail sa position sur chacun des cinq points sur lesquels son prédécesseur d’alors s’était engagé.
Je le remercie par avance.
Réponse du Conseil d’Etat à la question écrite urgente de M. Jean-Michel Bugnion : Enseignement du fait religieux, quelle est la position du Conseil d’Etat actuel ?
La position du Conseil d’Etat est claire et constante depuis 10 ans : l’enseignement du fait religieux ou en lien avec les religions fait partie des plans d’études de l’enseignement public. Il n’est donc pas facultatif ou laissé à la libre appréciation des enseignants qui, dans leur rôle de formation et d’éducation, doivent adopter une attitude rigoureuse qui respecte la neutralité religieuse en privilégiant l’analyse et la raison. Le département de l’instruction publique, de la culture et du sport (DIP) poursuit depuis plusieurs années la mise en œuvre d’actions et de mesures concrètes pour mieux assurer, renforcer et consolider cet enseignement. Afin de respecter les principes liés à la laïcité et les convictions religieuses des élèves et de leurs parents, cet enseignement n’est pas donné dans le cadre d’un cours spécifique inscrit dans la grille-horaire des élèves, mais dans le cadre des sciences humaines, et, notamment, de l’histoire qui intègre systématiquement l’histoire des religions, leur connaissance et leur influence.
Dans sa déclaration politique générale sur les « Finalités et objectifs de l’école publique » du 30 janvier 2003, la Conférence intercantonale de l’instruction publique de la Suisse romande et du Tessin (CIIP) rappelait que « L’école publique prend en compte et rend accessible la connaissance des fondements culturels, historiques et sociaux, y compris des cultures religieuses, afin de permettre à l’élève de comprendre sa propre origine et celle des autres, de saisir et d’apprécier la signification des traditions et le sens des valeurs diverses cohabitant dans la société dans laquelle il vit ». La récente refonte de la loi genevoise sur l’instruction publique (LIP) et, auparavant, en 2011, sa mise en conformité avec les accords intercantonaux portant sur l’harmonisation de la scolarité obligatoire (HarmoS et convention scolaire romande) ont permis, par la référence explicite au respect des objectifs des plans d’études, en particulier du plan d’études romand pour la scolarité obligatoire (ci-après : PER), d’ancrer plus formellement et de renforcer la nécessité d’intégrer plus systématiquement le fait religieux dans les domaines communs de l’enseignement.
A cet égard, le Conseil d’Etat tient à rappeler que, dans le cadre de la refonte de la LIP et de ses objectifs, la référence explicite au respect des plans d’études officiels a rendu superflue toute mention de disciplines ou thématiques spécifiques qui en font partie (à l’exception des enseignements délégués, comme l’enseignement musical de base ou les cours de langue et culture d’origine). Il était donc à la fois cohérent et logique, comme l’a bien compris une majorité du parlement au cours des travaux en commission et au moment de son adoption, de ne pas faire directement mention de l’une ou l’autre discipline dans la loi : une exception pour l’enseignement du fait religieux n’était donc pas justifiée et aurait inévitablement entraîné bien d’autres demandes pour d’autres enseignements.