Fait religieux au primaire : c'est pour la rentrée
L’an prochain, sera introduit l’enseignement du fait religieux en 1P-2P. Les objectifs existent dans le Plan d’études romand sous l’appellation «éthique et cultures religieuses». Le but est de s’ouvrir à l’altérité et de se situer dans son contexte socioreligieux. Tout un programme!
Les objectifs pour le cycle 1 sont l’observation de la diversité de la culture et de la pratique religieuse dans le quotidien, le développement du respect de soi et des autres, l’imprégnation des récits religieux, des mythes et des légendes, la discussion de certaines questions existentielles, l’étude de quelques personnages bibliques importants
Ce domaine est éminemment important, dans la mesure où il permet à chacun de se questionner sur lui-même, sur ses propres croyances, sur son rapport aux autres et à la culture dans laquelle nous vivons tous. C’est un enseignement indispensable si l’on entend vivre en paix les uns avec les autres. L’ignorance fait le lit des radicalismes et des fondamentalismes; la peur de l’autre parce qu’il nous est inconnu, incite à se défendre en agressant.
La connaissance, la faculté de discernement, l’indépendance de jugement, la prise de recul et l’esprit critique dans la tolérance à la différence permettent une vie sociale épanouie, sans crainte et solidaire. Cette dernière phrase résume l’article 10 de la loi sur l’instruction publique (alinéas e et f), qui définit les fondements de l’enseignement à Genève. Les possibilités d’activités sont vastes: exploration d’oeuvres musicales ou picturales, avec visites de musées et les collaborations possibles avec les collègues MDAS, visites de lieux emblématiques, débats philosophiques pour ne citer que quelques exemples. Mais cet enseignement, s’il peut être enthousiasmant, n’est pas sans risques. Il vient mettre en jeu les valeurs des enfants, des familles et des enseignants, voire les confronter les unes aux autres. Du côté des enseignants, si l’obtention de la maturité garantit un certain niveau de connaissance dans les disciplines du PER, il n’en va pas de même avec les connaissances bibliques ou des autres religions. Les enseignants n’ont pas non plus consacré de temps dans ce domaine durant la formation initiale. Chacun va donc aborder ces enseignements avec son propre parcours, très divers selon les personnes.
C’est pourquoi la SPG s’est opposée à l’idée de la DGEO d’introduire cette discipline l’an prochain en ne formant qu’un enseignant par établissement, avec mission de former ses collègues. Pour la SPG, ce domaine d’enseignement est suffisamment délicat et interrogeant pour justifier une introduction des moyens d’enseignement soignée et généralisée. Ajoutons encore que le SER a décidé d’aborder ce sujet lors des prochaines Assises romandes de l’éducation. Alors que nous avons le même plan d’étude, est-ce que l’enseignement de l’éthique et cultures religieuses se fait de la même manière en Valais, où l’école doit faire des élèves des chrétiens, ou à Genève où la loi impose un développement global de l’élève dans le respect des personnalités de chacun? Rendez-vous le 22 septembre pour en débattre. Le sujet est en tout cas suffisamment important pour qu’on y consacre un peu de temps et de réflexion avant de se lancer dans des activités avec les élèves.
Le fait religieux à l’école : bien, mais peut mieux faire
Anne-Bénédicte Hoffner,
« Peut-on parler des religions à l’école ? » Dans un essai en forme d’état des lieux et de plaidoyer, Isabelle Saint-Martin, l’une des meilleures spécialistes du sujet, répond par l’affirmative. Elle démontre l’intérêt de l’enseignement du fait religieux en terme de savoir, mais aussi de respect mutuel.
Tensions entre sunnites et chiites, ampleur de La Manif pour tous, succès de librairie du livre Le Royaume d’Emmanuel Carrère… Le fait religieux est partout, dans la société comme dans l’actualité mondiale, mais l’est-il aussi à l’école de la République ? Plus de quinze ans après le rapport de Régis Debray sur l’enseignement du fait religieux à l’école laïque, son ancienne chargée de mission, devenue aujourd’hui l’une des meilleures spécialistes du sujet, Isabelle Saint-Martin, tente de dresser un état des lieux.
Parmi les enseignants comme dans une partie de la société, le débat est loin de s’être apaisé. Chaque déclaration politique en faveur de cet enseignement est immédiatement suivie d’une levée de boucliers syndicales sur le thème de la « remise en cause » de la loi de 1905. La preuve ? Les annonces volontaristes d’Emmanuel Macron au tout début de l’année 2018 – la France doit devenir « ce lieu où nous ne cachons rien des religions et du fait religieux, où le pluralisme des religions est pleinement reconnu et peut s’épanouir et où nous savons dans le même temps traiter de cette grande fracture du monde » – sont restées lettre morte.
Quant aux religieux eux-mêmes, ils n’aident pas à clarifier le débat lorsqu’ils fustigent un enseignement strictement restreint au « savoir » et donc amputé de toute « transcendance ».
Le spectre du cheval de Troie reste vivace, et le soupçon se porte en général sur le monde religieux, catholique surtout, qui tenterait ici subrepticement de reprendre sur les âmes une emprise que les lois de laïcisation pour la déchristianisation lui ont fait perdre
Isabelle Saint-Martin
Laïcité de l'école par Anne Emery-Torracinta
La laïcité de l’école est l’instrument qui permet la paix civile et le respect des convictions de tous, sans discrimination, chacun étant égal devant la loi. La laïcité est donc essentielle à une vie scolaire sereine.
La laïcité est un élément central du vivre-ensemble dans une société marquée par la diversité culturelle et religieuse. Dans un contexte social et politique sensible, où l’émotion prend trop souvent le pas sur la raison, il est nécessaire de rappeler le cadre et les principes en vigueur en matière de laïcité à l’école. En effet, le respect d’une laïcité bien comprise dans le cadre scolaire est le meilleur garant d’un vivre-ensemble harmonieux dans une société qui doit apprendre à pratiquer sa multiculturalité sans occulter ses racines.
La mission de l’école est également de repérer les signes avant-coureurs de la radicalisation et de l’extrémisme violent, afin d’agir avant qu’il ne soit trop tard.