Il existe une abondante littérature universitaire consacrée aux religions, aux faits religieux, à la sécularisation ou encore à la laïcité. En revanche, il y a encore peu de recherches qui s’intéressent à la manière dont les professions sociales et socio-éducatives abordent et traitent les croyances des personnes qu’elles accompagnent. L’ouvrage proposé ici prétend mettre à disposition des intervenant-e-s sociaux un cadre de réflexion anthropologique pour tenter de mieux comprendre comment les dispositions croyantes des personnes qu’ils accompagnent, mais aussi leurs propres convictions, se construisent, et de quelle manière ils peuvent s’en saisir, dans un contexte socio-politique européen particulièrement sensible.
Daniel Verba et Faïza Guélamine ont reçu
le Prix de l’initiative laïque 2018, MGEN-CASDEN-MAIF
pour Faits religieux et laïcité dans le secteur socio-éducatif, Dunod, 2018
Apprendre à décoder le religieux
Comment les professionnels doivent-ils se comporter face au fait religieux ?
Si on ne peut imaginer qu’ils en fassent la promotion, ils ne peuvent pas non plus se contenter de le reléguer au registre des seules crédulité naïve, consolation face au malheur ou « opium du peuple » oppressé. Ils doivent l’intégrer comme une des modalités possibles de construction des subjectivités auxquelles ils sont confrontés. Si 63 % des français se disent non croyants (dont 29 % d’athées), il y a néanmoins une poussée de la religiosité.
L’enquête menée par l’auteur, entre 2012 et 2016, auprès d’étudiant(e)s en travail social lui a permis de mesurer combien la place du complotisme, de l’antisémitisme ou de l’islamophobie était loin d’être anecdotique, les nouvelles générations aspirant à valoriser les signes d’appartenance culturelle et spirituelle. Mais, pas du côté des grands récits monothéistes en perte de vitesse, plutôt dans une religiosité baladeuse un peu à la carte, chacun(e) choisissant les modalités de ses pratiques cultuelles.
Le constat est sans appel, il y a relâchement de l’appartenance citoyenne au profit d’un bouillonnement identitaire, bien des groupes étant tentés de se recroqueviller sur ses souffrances passées ou présentes. Pratiquées jusque-là discrètement les affiliations s’affichent, s’imposant dans les rapports sociaux.
Et il faut se garder d’interprétations hâtives. À l’image de ce voile dont le sens polysémique peut tout autant symboliser l’émancipation, que la soumission.
Cette réalité qui s’impose à nous, nécessite une écoute bienveillante et la souplesse d’une approche nuancée et diversifiée. C’est en empruntant un ajustement raisonnable que l’on pourra préserver la relation de confiance avec les plus vulnérables tentés de se réfugier dans le sacré.